Pour ceux qui auraient la grosse flemme de lire mon joli pavé, voici un résumé succinct (attention spoilers)- Spoiler:
1934, campagne profonde allemande.(Hitler, mentalités rurales, idées particulières tout ça...) Lydwin, ado rebelle qui veut devenir une star. Fugue pour aller en ville. Finit à la rue. Se fait récupérer par une nana qui devient son amante. Elle devient comédienne comme elle voulait, sauf que ses parents la renie. Elle déprime, sa copine la trompe, elle déprime encore plus, veut se pendre, hésite, et meurt bêtement en agonisant.
Elle s’ennuie une fois morte, décide de se recycler dans la refourgue animalière.
L’adolescence, cette période difficile…
L’histoire de Lydwin commence assez simplement, dans la campagne allemande post Grande Guerre. Cette vilaine guerre qui avait obligé la belle et grande Allemagne a rampé la queue entre les pattes face à ces affameurs d’Angleterre, France et Italie. L’Allemagne aurait pu gagner, si les fainéants restés à l’arrière n’avaient propagés le goût de la médiocrité dans les esprits !
Du moins, c’est ce qu’en pensait Herr Riesendorf. Ha, s’il avait pu combattre, au lieu de bêtement s’ouvrir la jambe avec une faucille ! Frau Riesendorf elle n’en pensait pas grand-chose, mais avait applaudi à chacune des retransmissions de ce Herr Hitler. Un brave homme, certes un peu extrême parfois, mais qu’est-ce qu’il allait redresser ce pays rempli de bons à rien et de parasites !
Bah oui, les Riesendorf, depuis des générations, c’étaient des travailleurs, des vrais. Des paysans, élevés à l’air de la campagne nourricière et du goût des champs bien moissonnés.Des vrais bons Allemands pur souche comme le pays en devrait contenir plus ! D’ailleurs, ils participaient activement à repeupler le pays de leur beaux cheveux blonds et leurs yeux azur. Sept beaux enfants, et Lydwin.
Lydwin, elle, c’était pas pareil. Pas que les autres aient été plus prévus que ça, mais voilà. Elle était arrivée après un de ces coups rapides dans la chambre, après une soirée pour noyer le chagrin et la honte de ce foutu Traité.
Et c’est comme si la mauvaise graine l’avait marqué de son empreinte. C’est bien simple, Lydwin était fainéante, pleurnicharde, et pire que tout, avait des rêves plein la tête. Elle avait commencé dès son plus jeune âge en réclamant à tour de bras un chien, un chaton, un poney et une de ces poupées à la mode dans les vitrines du vendeur de jouet au lieu de rêver foin, récolte et lessive. Lasse, elle avait fini par coudre elle-même un de ses jupons et avait caché dans la grange du voisin une portée de renardeaux. Heureusement, la rivière n’était pas loin et les ceinturons, c’est solide.
Et le rêve de l’adolescente Lydwin, maintenant, c’était la Ville. La vie de star du cabaret, ou mieux, le cinéma ! Résultat, elle bayait aux corneilles à sa fenêtre la nuit et chantonnait le jour, esquissant des pas de danse au milieu du seigle et soudoyant ses petites sœurs pour qu’elle fasse ses corvées. Lydwin avait ce genre d’entêtement puéril qu’on ne guérit ni avec des privations, ni avec des châtiments.
Et un jour, de Lydwin point. De ses draps, elle avait fait une corde et avait emporté dans un gros sac de juste plusieurs robes, sa brosse à cheveux et son parfum. Ce fut presque une surprise.
Ne mentons pas, les débuts furent difficiles. Atrocement difficiles. Difficile au point que Lydwin commençait à penser rentrer chez elle.
Elle n’avait pas tellement imaginé la Ville comme ça. A coté, tout ce qu’elle avait connu, c’était un gros village, à peine. Elle avait déjà mis plusieurs jours pour y parvenir, et diable que les nuits d’hôtel étaient chères ! Et cette agitation…
Mais la jolie rêveuse persévéra, encore et encore. Elle trouva les théâtres, les cabarets. Qu’on lui dise qu’elle était trop jeune, elle mentait la fois suivante sur son âge. Qu’on la trouve trop quelconque, elle acheta boa en plumes et verroteries. Que ses cheveux ne soient pas comme il faut, elle se les fit couper, les boucla, les tressa, les lissa, les colora même. Elle acheta des fausses lunettes, porta le smoking et tenta la cigarette. Et se retrouva sans le sou. Elle avait dépensé chaque piécette de sa bourse, chaque gage de ses bijoux et essayé de troquer son foulard en soie contre une dernière nuit à l’hôtel. Elle passa plusieurs nuits dehors à tendre la main vers les noctambules.
Et puis une femme s’arrêta vers elle. Une grande et filiforme femme qui sentait l’eau de Cologne. Elle l’avait vu essayer d’être embauchée par son idiot de mari. Mais si, il tenait ce petit théâtre à l’ouest de la ville. Enfin, c’était surtout elle qui repérait les nouveaux talents, lui était myope comme une taupe à ce jeu. Lydwin reprit espoir.
La belle mécène se nommait Ruth. Elle avait de long cheveux noirs frisés et la peau pâle. D’abord douce, elle était vite devenue exigeante pour ne pas dire rude avec Lydwin. Et surtout, elle était devenue pressante. Collante, aux mains glissant là où il n’aurait fallu. D’abord déroutée, Lydwin finit par se laisser tenter par les douces caresses de Ruth.
Bien sûr, Lydwin avait bien été éduqué à ne pas offrir son corps au premier homme venu, charmant ou non. Mais là, il s’agissait d’une femme, donc ce n’était pas pareil…
Du reste, Ruth était très douce avec Lydwin dans les moments intimes, et propulsa réellement l’adolescente sur les planches. Et contre attentes, Lydwin trouva vite son public. D’abord parce qu’elle était typiquement ‘Aryenne’, mot devenu très à la mode, mais aussi parce qu’elle se débrouillait assez bien sur une scène. Son nom commença à s’afficher certains jours en tout petit sur les affiches.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, les-dites affiches parvinrent aux yeux de ses parents, qui allèrent la voir en représentation.
Sauf que ses parents considérèrent tout ça comme des enfantillages de gamine et n’esquissèrent même pas un sourire pour leur ratée de fille. Réduite à faire le clown devant des gens, quelle honte ! Et quand ils comprirent qu’elle était l’amante de la femme du directeur, ce fut la goutte d’eau de trop. Leur arbre généalogique, souillé par des amours contre nature ! Comprenait-elle au moins qu’à défaut de savoir manier la faux et gérer un champ, elle était née sur cette terre pour avoir des enfants et les élever ?
Cela mit un sacré coup à Lydwin, qui commença à déprimer pour de bon. Elle imaginait bêtement les homosexuels comme des monstres hideux, des satyres et des succubes bestiales au comportement obscène et dégradant, pas comme simplement deux êtres qui s’aiment en dépit de leur corps. Elle se alla peu à peu aller, et c’est sans grande surprise qu’elle trouva Ruth dans les bras d’une jeune prodige arrivée quelques semaines avant. Elle lui fit tout de même la scène de circonstance et elles rompirent leur liaison.
Sauf que bah, lydwin l’aimait, et il ne fallut pas trois jours avant qu’elle commence à lui glisser des lettres enflammées tachées de larmes. Mais clairement, Ruth était rompue à l’exercice. Elle passa aux mises en scène larmoyantes, mais son ex ne broncha pas. Elle savait ce dont était capable une comédienne sur les planches.
Alors Lydwin, qui souffrait pour de vrai, finit par décider de mettre fin à ses jours. Minutieuse et un peu saoule, elle amena tout le matériel nécessaire sur la scène un jour de fermeture, histoire que le lendemain, tout le monde voit combien Ruth était une femme volage, adultère et contre nature. Elle fit le nœud, le glissa jusqu’en haut et monta sur un escabeau de technicien pour le grand saut.
De là-haut, elle voyait toute la salle, qui au demeurant était petite. Certains sièges étaient dans un sale état. Une petite salle miteuse quoi. Un petite salle miteuse où néanmoins des Allemands venaient l’acclamer tous les jeudis, alors qu’elle n’avait même pas la rôle principal. Et parfois le mardi. Là-bas, c’était son affiche, avec son nom en petit dessus.
Lydwin hésita. Non, c’était bête. Elle avait l’avenir devant elle. Elle commença à descendre les larmes aux yeux de l’escabeau… et se prit le bras dans un bout de la corde. Dans son élan, elle emporta l’escabeau avec elle, et se fracassa sur la scène sur le ventre.
Résultat, un nez cassé, des ecchymoses dans le dos et… Ha oui, six côtes cassées, dont deux qui perforèrent les poumons. Hémorragie interne touça…
Quand Ruth arriva sur place, voyant Lydwin au sol, inconsciente, la corde et la lettre incendiaire à son intention, elle crut à une mise en scène, haussa les épaules et s'en alla.
Et ainsi mourut Lydwin.
Cela lui fit un petit choc d’apprendre qu’il n’y avait ni trompettes, ni angelots pour elle, pas plus qu’un grand barbu au nec crochu entouré de flammes.
Mais sa première grande surprise fut d’apprendre qu’elle était du côté des méchants. Elle n’avait jamais aimé le côté autoritaire du
Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei , mais comme elle était fâchée avec le fait d’égorger vif un cochon ou de devoir faire passer la moisson avant l’école.
C’était avant qu’on découvre les propriétés incroyables du Sucre, et Lydwin passa d’abord des jours pas très joyeux.
Mais elle apprit à contrefaire l’accent anglais, s’inventa une rocambolesque histoire de papa mort au combat, puis d’épopée à la Mulan, avant de tenter l’accent français et une morne existence de résistante du quotidien qui espère surtout gagner sa croûte tranquillement. Bizarrement la dernière passait mieux, mais de toutes façons, la folie de « Mort à tous ces sales Boches » était un peu passé à force, vu que quand on est mort, c’est pour tout le temps. Et puis c'était le plein essor du Sel, alors les esprits aigris s’échauffaient moins.
Le temps passa doucement, Lydwin mûrit un peu, un peu comme mûri une eau de vie : doucement et ça n’enlève pas le côté saoulant.
Et puis le facétieux Nono décida un jour que bah tiens ! On allait donner des petits png animaliers aux morts en guise d’horoscope : crabe des Cocotiers pour les discrets Cancer, jeune chat enragé pour les fougueux Lions, chèvre agressive pour les hyperactifs Bélier… Si ça cassa bien les pieds à tout le monde, sur Lydwin ça marcha moyen, et le jour d’après, elle alla quérir son Gouverneur en réclamant le retour de ces charmants familiers. Ce dernier, étant un mort comme les autres, la renvoya un tout petit peu à coups de pied au derrière, mais trop tard, Sire Norbert a les oreilles longues, et le lendemain il pleuvait des hérissons et le lac était rempli de requins. Oui, voilàààà, eux aussi ils ont eu une mort atroce, agoniser avec un bout en moins t’aimerais ? Donc eux aussi ils ont droit voilà. Merci Lydwin.
Heureusement en fait, ca reste assez galère de recueillir aussi les animaux, déjà ca fait de la paperasse pour débattre mort suffisamment violente ou pas (on est pas tendre avec les bestioles quand même nous autres humains), et surtout ca demande de la recherche bien vaine pour aller enquiquiner un tigre de zoo, des fourmis ou mieux un paresseux. Et en deux jours de test, il y avait déjà mille fois plus de mouche que d’humains, cinq fois plus de petits animaux, et je ne parle même pas des poissons.(on est un peu des monstres quand même non?)
Et ainsi Lydwin commença à stalker les gens pour leur refourguer ses hérissons orphelins (issus de la dernière pluie). Cela marcha moyennement, déjà parce que le potentiel hérissonnesque, c’est souvent proportionnel au fangirlisme pour les petites frimousses poilues, et c’était encore très marginal le fangirlisme à cette époque, et surtout Nono le Superbe les fit disparaître le jour où il marcha sur l’un d’eux. Jovial mais un peu rancunier ce maître du Zodiaque. Le plus gros de la ménagerie subit le même sort pour des raisons de praticité norbertesque (les herbivores bouffaient ses jolies haies, les chiens pissaient partout, les plans d’eau étaient devenus la mer Morte tellement il y avait des trucs dedans, et putain, un tigre a encore fait ses griffes sur la statue à son effigie !
Attention hein ! Tous ces événements se produisirent en une ou deux semaines, donc la plupart des morts ne notèrent même pas de grosse différence, et mirent au cas où ça sur le compte de l’emmerdement maximal de Norbert.
Mais du coup, Lydwin s’était trouvé une nouvelle passion : imiter le pauvre petit hérisson perdu/sans défense/qui-demande-juste-des-câlins.
Arpentant les allées des parcs, les abords du lac et le centre commercial, la jeune femme commença avec rigueur à recenser
et kidnapper tous les animaux plus ou moins pas trop identifiés comme sauvage. Lapins, chiens, chatons… Elle récolta une armada de petits yeux humides qu’elle commença à nommer comme la gamine qu’elle était. Cela l’occupa bien.
Non mais parce que Lydwin était une buse en dressage d’animaux. Clairement. Les bestioles ne l'écoutaient que d'une oreille, et elle les gavaient de Sel pour qu'ils se tiennent à carreau.
Et puis apparut deux illuminations dans l'après-vie déjà bien rempli de la fantasque allemande ; d'abord apparut tout frais tout neuf un artisan amateur du vêtement. Un tailleur quoi, mais plutôt du genre Frankenstein, à te coudre des dentelles sur du velours côtelé mauve, y assortir une broche à strass et estimer qu'il ne peut qu'en ressortir quelque chose de bien. Mais étant le seul et unique à accepter les commandes de robes roses bonbon, ou à fabriquer un costume d'alligator-licorne-lycanthrope-malheureux, il devint son tailleur attitré.
Et par son intermédiaire, elle rencontra le second miracle. Ce brave homme eut la présence d'esprit de préconiser des cages pour résoudre nombre des problèmes récurrents de Lydwin, et commença immédiatement leur fabrication, en rotin, en bambou, en fer ou en plâtre... Bah oui, personne n'y avait pensé. Il continua en confectionnant des laisses, des colliers, des harnais et tricota même des petits chaussons et des couvertures. Et devint le bricoleur officiel de Lydwin, qui, affublée de ce matériel professionnel, sentit sa fibre Refuge Animalier monter encore d'un cran, et elle commença à s'établir au parc.
Et c'est à peu près tout dans l'après-vie bien bordélique de Lydwin.